Entretien avec Michaël Mama du Port Autonome de Kribi
Le Port Autonome de Kribi (PAK) gère un ensemble d’installations de pointe, accueillant de grands navires en Afrique de l’Ouest et Centrale. Ses ressources modernes assurent des opérations efficaces, avec des opérateurs privés qui maintiennent l’excellence du service. Le PAK, qui respecte les réglementations nationales, garantit un service de premier ordre pour les navires et les cargaisons. Il est appelé à jouer un rôle crucial dans l’économie camerounaise, en créant environ 5 000 emplois et en favorisant la croissance économique et l’amélioration du niveau de vie grâce au développement des infrastructures et à l’amélioration des services sociaux.
Michaël Mama, Directeur des opérations du Port Autonome de Kribi
Michaël Mama 38 ans, directeur de l´exploitation à l’autorité portuaire de Kribi (PAK) au Cameroun. Manager en transport, logistique et commerce international, il a débuté sa carrière dans le fret aérien chez Panalpina avant de développer son expertise dans l’organisation du transport maritime et le négoce international de marchandises successivement au sein du Toll Group et de Militzer & Munch. Il y a douze ans, il s’est tourné vers son continent d’origine en rejoignant Africa Express Line, la compagnie maritime intégrée du groupe Compagnie Fruitière spécialisée dans le transport de l’Afrique vers l’Europe. Il revient travailler au Cameroun en 2014, où il intègre les équipes de projet pour la construction et le développement du port en eau profonde de Kribi, avant de rejoindre le PAK en 2017.
- Dans une économie totalement mondialisée, la transformation digitale est un impératif pour toute organisation, pourriez-vous décrire brièvement comment vous voyez la situation actuelle du secteur portuaire en Afrique ?
A mon sens, la situation varie d’un pays à l’autre et d’un port à l’autre. Dans l’ensemble, les ports africains sont de plus en plus conscients de l’importance de la transformation digitale pour améliorer leur efficacité opérationnelle, leur compétitivité et leur contribution à l’économie régionale. Des investissements importants sont réalisés dans la modernisation des infrastructures pour intégrer des technologies digitales ; dans l’adoption de solutions digitales afin d’améliorer la gestion des flux ; ou encore dans la formation et le renforcement des capacités dans les domaines de la technologie et de l’information.
- De votre point de vue, quels sont les principaux défis auxquels les ports africains sont confrontés ?
Les ports Africains font face à des défis particuliers. Tout d’abord, le manque d’infrastructures de télécommunication et la connectivité internet limité de certains pays entravent l’adoption, l’intégration et la fiabilité des solutions digitales dans la gestion des opérations portuaires. Ensuite, les incertitudes politiques, la réglementation complexe du secteur digitale, les contraintes budgétaires ou encore la difficulté à lever des fonds ne permettent pas de mettre en place des stratégies d’investissement efficaces et adéquates sur le long terme. Enfin, les préoccupations relatives à protection des données et la cybersécurité qui nécessitent non seulement des réformes importantes mais aussi des formations appropriées afin de garantir la pérennité et la transparence des opérations portuaires.
- L’un des principaux objectifs de l’Autorité portuaire de Kribi est de devenir un Smart Port ou de déployer une plateforme Smart Port, quelles sont les étapes que vous suivez pour y parvenir ?
En effet, nous souhaitons développer un Système d’Information moderne et performant, fournissant des services innovants à valeur ajoutée, en alignement avec la vision de développement de l’entreprise dans un contexte où, bien que nouveau, il faut se faire une place dans un environnement hautement concurrentiel.
Dans ce cadre, nous avons d’abord défini notre architecture SI avant d’encadrer nos actions avec les différentes parties prenantes du secteur par le biais d’accord de coopération. Par la suite, nous avons construit nos infrastructures de télécommunication et réseaux et nous avons réalisé le maillage de fibre optique entre les différents sites stratégiques et l’ensemble de notre domaine portuaire. Nous avons mis en place les technologies et les outils nécessaire : à la surveillance périmétrique, d’accès de contrôle et de sécurité maritime ; à l’aide à la navigation et au suivi des flux des marchandises. Et enfin, de manière concomitante, nous avons développé un progiciel de gestion intégré fonctionnel pour l’entreprise tout en réalisant notre système d’information portuaire et notre système d’information géographique autour des axes cités plus précédemment. Désormais, au-delà de l’optimisation de la couche infrastructure informatique, il sera nécessaire d’améliorer la couche infrastructure réseau et télécommunication à travers la mise en place d’un VTMIS et d’un réseau IP et communication.
- Quels sont les principaux avantages que vous espérez obtenir une fois que le PAK sera devenu un port intelligent ?
Nous souhaitons améliorer notre productivité, notre performance et la qualité de nos services. Cela va se traduire :
- Au niveau opérationnel par une réduction des temps d’attente, des goulots d’étranglement et par une meilleure visibilité et transparence des opérations.
- Au niveau des organisateurs de transport et de la logistique par une meilleure synchronisation des opérations d’enlèvement, de livraison des marchandises et une optimisation des temps de transit.
- Au niveau financier à la réduction des coûts de passage portuaires ainsi que des coûts d’exploitation d’entretien et de maintenance des équipements et infrastructures portuaires.
- Au niveau commercial à une optimisation de la sécurité et de la sureté des marchandises, des installations et équipements portuaires ; ainsi qu’à l’optimisation de l’expérience client par le biais du suivi en temps réel des expéditions, de la réservation en ligne des services portuaires et de la gestion électronique des documents et des paiements.
Enfin, nous pouvons espérer un développement plus durable des activités portuaires en droite ligne avec les préoccupations environnementales ainsi que la mise en place d’un cadre propice à l’innovation dans les domaines des technologies de l’information.
Cependant notre ambition est plus grande encore car nous souhaitons étendre notre influence à travers les corridors en développant les technologies de frontière intelligentes (smart borders).
- Si l’on se projette dans l’avenir, il semble que le déploiement SaaS s’imposera par rapport au déploiement sur site, quelle est votre opinion sur les systèmes en nuage ?
Les applications logicielles fournies via internet offrent divers avantages, notamment l’optimisation de la gestion des infrastructures de la télécommunication en réduisant les coûts fixes des acteurs par le biais de la mutualisation d’une part et surtout une agilité plus accrue des solutions à travers l’accessibilité à distance et la meilleure résilience des données. Cependant comme évoqué précédemment, la principale préoccupation reste la sécurisation et la protection des données des acteurs surtout dans un environnement aussi sensible que le secteur portuaire. Il est donc nécessaire à mon sens qu’au niveau africain soient faites les réformes idoines qui favoriseront et encadreront le développement des systèmes cloud à travers le continent.